Les milieux aquatiques représentent un exutoire final de nombreux contaminants issus des activités anthropiques. Ainsi ces milieux sont généralement contaminés par de nombreuses familles de molécules chimiques (éléments traces métalliques, pesticides, hydrocarbures aromatiques polycycliques…) mais aussi des microorganismes pathogènes ou non pour l’homme (Escherichia coli, Cryptosporidium spp, Adénovirus…).
Dans ce contexte le laboratoire SEBIO développe depuis plus de 15 ans des recherches visant à utiliser un mollusque bivalve d’eau douce, Dreissena polymorpha, comme une sonde biologique pour évaluer et surveiller la qualité des milieux. Ces travaux nous ont permis non seulement de définir les conditions d’un véritable bioessai in situ basé sur une approche active de transplantation d’organismes les plus standardisés possibles, mais également de souligner la plus-value de l’approche vis-à-vis de la contamination chimique (Hani et al., 2021), de la contamination microbiologique (Capizzi-Banas et al., 2021) ou encore de l’évaluation de la toxicité (i.e immunotoxicité, génotoxicité, métabolisme énergétique, Catteau et al., 2022) des masses d’eau. Ce corpus de réponses (bioaccumulation, biomarqueurs) permet d’ores et déjà une évaluation intéressante de la qualité des masses d’eau. Cependant, au regard de la biologie de notre organisme modèle, durant les expositions par encagement, un comportement de fermeture des valves des individus en réponse à la qualité du milieu (chimique, microbiologique, physique) n’est pas à exclure et pourrait i) représenter un facteur affectant l’exposition des individus et, par voie de conséquence, les réponses biologiques mesurées en tant que biomarqueurs, mais également ii) représenter un marqueur de toxicité si une relation entre la modulation de ce comportement et des marqueurs d’effets précoces (moléculaires) peut être établie. Le comportement de fermeture des valves isole le corps mou des bivalves, les protégeant d’éventuelles menaces extérieures et peut être modulé par de nombreux paramètres (algue toxique, éclairage nocturne, rythme circadien, etc. Tran et al., 2020 ; Durier et al., 2022 ; Botté et al., 2023). Plus spécifiquement, différentes études ont pu souligner des changements de comportements valvaires chez différentes espèces de bivalves en réponses à la présence de parasites (Chambon et al 2007 ; Basti et al 2009), ou de contaminants chimiques (Chen et al., 2012; Shen and Nugegoda., 2022). En condition de
laboratoire, des changements de comportement en fonction de la dose (Liu et al., 2016) ou au temps d’exposition (Tran et al., 2003) au contaminant ont pu être définis et le suivi du comportement des mollusques bivalves est désormais proposé comme Systèmes d’alerte biologique précoce (BEWS : Biological early warning systems) (Andrade et al 2016 ; Vereycken and Aldridge 2023) pour détecter les changements environnementaux et ce notamment chez la dreissène avec l’exemple du Musselmonitor.
Le projet doctoral a pour objectif d’étudier les relations entre les réponses mesurées au niveau individuel (comportement valvaire) et des marqueurs moléculaires de perturbations de différentes fonctions physiologiques. Pour ceci, le projet visera à étudier de façon simultanée des réponses du niveau moléculaire au niveau individuel (accumulation, comportement) chez des dreissènes exposées en conditions contrôlées de laboratoire à un gradient de concentration de différents stress (chimique/biologique). Les données originales qui seront ainsi obtenues permettront d’améliorer nos connaissances sur le comportement de notre modèle biologique et d’établir des relations entre réponses moléculaires et comportementales. In fine, ces connaissances permettront de définir si les métriques comportementales peuvent être considérées comme des marqueurs de toxicité (et non uniquement d’un changement de la qualité du milieu) et/ou doivent être considérées dans l’interprétation des mesures biologiques (accumulation, marqueurs moléculaires).